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Arrivée de la 5G à La Réunion : enjeux et perspectives

Photo du rédacteur: Yannick BEREZAIEYannick BEREZAIE

En novembre 2020, la France donne le coup d'envoi de la 5G. Près de 2 ans plus tard, le réseau 5G débarque à La Réunion. Comment expliquer ce délai ? La 5G va-t-elle vraiment accélérer les débits, révolutionner notre façon d'utiliser le téléphone comme l’annoncent les opérateurs ? Est-ce que la facture va grimper et quelles peuvent être les conséquences de cette nouvelle technologie sur l’environnement ? Réponses et décryptage des enjeux liés au déploiement de ce réseau mobile de 5e génération.


(Retour sur l'interview réalisée par Philippe Dornier sur Réunion la 1ère)

PD : La Réunion a donc patienté près de 2 ans par rapport à l'hexagone pour disposer de la 5G. Qu'est ce qui justifie une aussi longue attente ?


YB : Il y a 2 facteurs importants qui peuvent justifier ce retard : D'abord la réglementation. Il faut savoir en effet que La Réunion a un fonctionnement différent de la métropole s'agissant de l'attribution des licences d'exploitation de la 5G. Cette procédure administrative a donc effectivement pris plus de temps qu’au national. Et puis il ne vous a peut-être pas échappé qu'il y a eu un petit contentieux concurrentiel entre les opérateurs, avec des recours qui ont été intentés par les uns et par les autres. Pour autant ce retard ne devrait pas être préjudiciable au déploiement de la 5G puisqu’il va être largement rattrapé au fil des années.


PD : Vous évoquiez la concurrence entre les opérateurs, c'est Orange qui est le premier à mettre en place la 5G. On a l'impression que les autres opérateurs n’ont pas l'air de se bousculer pour y venir. Pourquoi ?


YB : Là encore il y'a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer cette situation. Il faut savoir que les opérateurs ont chacun leur propre modèle industriel et leur propre modèle financier. Certains ont consenti de gros investissements sur les infrastructures pour lesquelles les amortissements n’ont peut-être pas encore été complètement réalisés. D'autres étaient davantage en avance comme typiquement sur le déploiement de la fibre par exemple. Donc c'est à la fois des équilibres économiques à trouver sur du court, moyen et long terme. Et puis c'est aussi une offre à développer autour de nouveaux usages en s’assurant que ces nouvelles offres s'intègrent aux offres actuelles des opérateurs qui ne sont évidemment pas toutes les mêmes.


PD : En métropole, c'est surtout dans les grandes villes que cette nouvelle technologie est déployée. La 5G pour tous. Ce sera pas avant 2030. Quel calendrier à La Réunion ?


YB. On est à peu près sur les mêmes ordres de grandeur. Avec ces retards qu'on évoquait juste avant au démarrage, le jalons intermédiaires, c'est 2025 qui vise à peu près la couverture de 2/3 de la population et des zones denses, pour tendre effectivement vers un taux d'équipement d’à peu près 100% à horizon 2030. Je rappelle que La Réunion est le 3e département de France le mieux fibré. Ça démontre les capacités des experts techniques et des opérateurs dans ce domaine. Ces quelques mois de retard ne seront donc pas préjudiciables.


PD : Ne faudrait-il pas d'abord finir d’installer la 4G sur tout le territoire plutôt que de lancer la 5G ?


YB : C'est là où il y a peut-être une petite confusion. Il n'y a pas de concurrence entre les réseaux. La 5G doit justement permettre de gommer les manquements de la 4G ne serait-ce qu'en terme de couverture du territoire, mais aussi en terme de débit. Donc il faut d'abord et avant tout voir la 5G comme une solution pour désengorger les infrastructures actuelles qui pour certaines sont vieillissantes et garantir la fourniture des services qui potentiellement seraient dégradés si ces investissements n’étaient pas réalisés.


PD : Est ce que les prix des forfaits vont augmenter ?


YB : C'est effectivement ce qu’il s'est passé en métropole et c'est là où les opérateurs se différencient une nouvelle fois. Certains font plutôt le pari du pouvoir d'achat et du bouclier qualité-prix, là où d'autres misent plutôt sur des services à valeur ajoutée et donc forcément des prix plus élevés. Quand une nouveauté apparaît sur le marché, il y a un effet classique à court terme d’augmentation du prix des offres, ensuite tout ça revient à la normale et se stabilise naturellement en même temps que les amortissements liés à ces investissements importants sont réalisés.


PD : Est-ce qu'on peut parler d'un effet de mode ?


YB : Il y a un peu de ça effectivement. Une certaine forme de course effrénée à l'innovation et aux nouvelles technologies, même s’il ne faut pas minimiser des aspects un peu plus marketing qui incitent en permance à se doter des tous derniers produits ou services pour rester tendance.


PD : Est-ce que ça veut dire que nous allons être obligés de changer de téléphone pour bénéficier de ces nouveaux services.


YB : Il faut savoir qu’aujourd'hui 30% des mobiles qui sont vendus à La Réunion, sont compatibles avec la 5G, ça reste donc une minorité des nouveaux mobiles vendus, mais les standards vont effectivement aller vers ce nouveau type d'équipement. Ce sujet est sensible puisque ces nouvelles technologies peuvent accélérer le renouvellement du parc de mobiles, ce qui n’est pas toujours souhaitable d’un point de vue de l'impact environnemental qu’ont ces équipements sur nos émissions de carbone.


PD : Que peut-on attendre de ces nouveaux réseaux pour les usages de monsieur et madame tout le monde au quotidien et est-ce que la 5G va vraiment révolutionner notre façon d'utiliser notre portable ?


YB : A terme oui, puisque classiquement quand on vit un saut de génération en terme de réseau et d'infrastructure, c'est souvent des nouveaux usages qui apparaissent. Quand on est passés du texte à l'image, de l'image à la vidéo et maintenant à la vidéo en streaming, on a constaté ce phénomène. Concernant la 5G on s'attend, pour le grand public en tout cas, à des nouvelles habitudes et des nouveaux usages comme les réseaux type métavers par exemple, ou encore des fonctionnalités de réalité immersive et de réalité augmentée. C’est pourquoi il faut voir l’arrivée de la 5G davantage comme une innovation de rupture et un grand saut en avant en terme d'usages que comme une évolution à la marge de quelque chose qu'on connaîtrait déjà sur des applications pratiques de notre quotidien.


Un auditeur : Pourquoi doit-on systématiquement changer de mobile quand ces innovations apparaissent sur le marché ? Ne pourrait-on pas rendre compatibles les terminaux actuels ?


YB : C’est effectivement une question centrale. Il faut savoir que la réglementation impose de plus en plus aux constructeurs de garantir la compatibilité ascendante de leurs produits, c'est à dire de faire en sorte que les anciens terminaux soient compatibles avec les nouvelles mises à jour. Mais il y a encore beaucoup de progrès à faire dans ce domaine et le conseil n’est surtout pas de ne pas faire ces mises à jour qui au-delà des améliorations qu’elles apportent, permettent aussi de corriger de failles de sécurité. Ensuite il y aussi un levier psychologique, on n'est pas obligés de changer de mobile tous les 2 ans sous prétexte que c'est la tendance ou que c'est à la mode. Nous sommes tous des consomm « acteurs » de ces nouvelles technologies et donc c’est aussi à nous d’agir dans ce sens.


PD : On parle de protection de la planète mais là encore plus on va partager de données, plus on va faire tourner les serveurs et donc plus on va consommer d'électricité, c'est pas un peu paradoxal ?


YB : L’intérêt de ces nouvelles technologies et de ces nouveaux réseaux c’est aussi parce qu’ils ont de meilleurs rendements que les technologies existantes et ils peuvent ainsi nous amener vers une consommation davantage raisonnée de ces ressources, dont l'énergie notamment. Il faut savoir également que l'impact carbone du numérique est majoritairement lié à la fabrication de ces équipements (environ 2/3). Quand vous achetez un ordinateur portable aujourd’hui, au moment où passez à la caisse pour le payer en magasin ou sur internet, vous avez déjà impacté à hauteur de 70% la planète d'un point de vue des émissions de carbone. Le reste, l'usage, le streaming, le stockage de données et autres représentent évidemment une part importante mais le principal levier d’action reste néanmoins de conserver ses outils tant qu’ils fonctionnent pour amortir ces impacts sur une période la plus longue possible.


PD : Justement, il y a une autre inquiétude par rapport aux antennes. Est ce qu'il en faudra de plus en plus ou bien ce sont les antennes actuelles ?


YB : Ce sont de nouvelles antennes qui vont remplacer les antennes actuelles. Il faut savoir là encore que les opérateurs sont contraints de décommissionner les anciens équipements, c’est-à-dire que pour installer ces nouveaux réseaux, ils ont l’obligation de désinstaller les réseaux les plus anciens. On n’est donc pas dans une logique où de nouveaux équipements viendraient se rajouter aux infrastructures existantes. L'enjeu sanitaire sur la 5G porte en réalité davantage sur le terminal que sur le réseau, notamment pour ce qui concerne les émissions d’ondes électromagnétiques. Dans ce domaine, de nouveaux étiquetages sont désormais visibles pour ces terminaux afin d’informer les clients sur ces taux d’émissions. C'est un peu comme sur votre réfrigérateur, l’étiquetage ABCDE pour vous informer de la performance énergétique de votre matériel, ce qui peut vous orienter vers le meilleur choix au moment de l’achat.


PD : L'exposition aux ondes, elle va augmenter de 3% par rapport à la 4G. Là aussi, ça suscite des craintes ?


YB : Dans ce domaine les chiffres sont encore contestés aujourd’hui selon qu’ils viennent évidemment des opérateurs ou de l'agence nationale des fréquences et ou de l'agence nationale de sécurité sanitaire. L’enjeux va se situer autour du déploiement en quantité massive de ces équipements. Effectivement, la 5G va démultiplier les usagers et va démultiplier les équipements et les objets connectés. C'est surtout à ce niveau-là que se situe je pense le principal levier d'action une nouvelle fois en raisonnant ses usages et en choisissant les bons matériels.


PD : Finalement, les avantages que représente la 5G, ils se situent à quel niveau ?


YB : Au risque de décevoir peut-être le grand public, ils vont d'abord se situer au niveau professionnel notamment du fait d’une meilleure latence, qui améliore les usages professionnels dans le domaine de la santé par exemple, cela va aussi permettre d’avoir un meilleur taux de couverture du territoire puisqu’il y a encore des zones blanches à La Réunion sur la couverture mobile du fait de la limite technique des réseaux actuels. Enfin, l’évolution va aussi concerner les débits, notamment dans les zones de forte densité, quand vous allez à un spectacle ou dans un stade par exemple et qu’il y a un usage concentré du réseau sur une période donnée.


Un auditeur : Est-ce qu'il ne faudrait pas limiter l'usage de la 5G aux professionnels pour réguler le marché ?


YB : Je laisserais plutôt les opérateurs et les utilisateurs jouer leur rôle pour préciser la manière dont le marché peut se développer demain plutôt que te faire le pari d’une certaine forme de réglementation dans ce domaine, même s’il est vrai qu’à court terme la 5G va prioritairement cibler les usages professionnels. Au final on revit un peu ce qu'on a vécu il y a quelques années quand La Réunion a décidé d'investir massivement sur des réseaux fibrés. Tant que le débat restera concentré sur la technologie plutôt que sur les usages, on aura des difficultés à convaincre le plus grand nombre. Ça ne nous viendrait pas à l'idée aujourd'hui de remettre en cause la fibre parce qu'on en a compris l'intérêt et on en matérialise concrètement les usages et les apports. À l’inverse, pour la 5G le débat reste aujourd’hui concentré sur la technologie parce justement les usages sont loin d’être une évidence. Quand la technologie sera installée et qu’on aura réussi à en tirer le meilleur en terme d’usage, ces débats n’auront plus cours je pense.



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