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IA et RSE : les meilleures ennemies ?

Photo du rédacteur: Yannick BEREZAIEYannick BEREZAIE

Les entreprises accordent aujourd’hui une importance croissante au développement durable et à une organisation plus éthique, deux piliers fondamentaux de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Parallèlement, l’intelligence artificielle s’impose comme un outil incontournable et de plus en plus utilisé dans les organisations. Mais la RSE et l’IA sont-elles compatibles ? Peut-on exploiter les avancées de l’intelligence artificielle pour renforcer sa démarche en matière de développement durable ? Éclairages sur ce qui est désormais devenu une nécessité : mettre la transition numérique au service de la transition écologique.


(Article rédigé pour le compte du média économique Territoire(s) Média).


Le numérique via ses infrastructures, ses applications mobiles, ses objets connectés ou ses systèmes d’intelligence artificielle peut ouvrir de nombreuses opportunités répondant aux multiples défis environnementaux et sociétaux. Néanmoins, contrairement à ce que l’on peut penser, le numérique n’est pas une industrie immatérielle. A ce titre, la fabrication et l’utilisation des équipements et des infrastructures nécessite une quantité impressionnante de ressources naturelles non renouvelables et parfois extrêmement rares. L’extraction de ces ressources et leur transformation en composants électroniques représentent, de loin, la première cause de l’impact négatif du numérique sur l’environnement.

 

Un numérique responsable, mais pas coupable.

 

Si le numérique a un impact environnemental reconnu et désormais quantifié et documenté, il est aussi un outil clé pour accompagner la transition écologique. Le secteur du numérique dans son ensemble est en effet responsable d'une part importante de l'empreinte carbone de l'humanité. La production et l'utilisation de technologies de l'information et de la communication (TIC) ont un impact environnemental significatif en raison de l'énergie consommée par les centres de données, les réseaux de transmission de données et les appareils électroniques. Selon certaines estimations, le secteur du numérique pourrait dès 2025, représenter jusqu'à 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les chiffres le montrent, ce phénomène s’est fortement accentué depuis l’apparition des outils d’intelligence artificielle et leur adoption éclaire par le plus grand nombre.

 

Dans le même temps on observe des inquiétudes grandissantes autour du fait que le numérique contribue à creuser les inégalités sociales, et ce de différentes manières. D'une part, l'accès inégal à l'éducation et aux technologies de l'information peut renforcer les inégalités économiques et sociales existantes. D'autre part, l'utilisation excessive des technologies de l'information peut entraîner une isolation sociale ayant à terme un impact négatif sur les individus et les communautés.

 

Pour réussir la convergence du numérique et de l’écologie, les acteurs de chaque domaine, doivent développer des méthodologies et des stratégies d’action partagées pour à la fois réduire les impacts environnementaux du numérique (GreenIT) et dans le même temps mettre son potentiel d’innovation au service de la transition écologique (GreenTech).

 

Plusieurs nouveaux acteurs sont apparus sur le marché ces dernières années et il existe de nombreuses innovations dites « TechForGood » qui s’appuient sur des technologies conçues pour améliorer la vie des gens de manière positive : sobriété énergétique et optimisation des réseaux intelligents de production d’énergie, continuité pédagogique par la formation et l'éducation à distance, optimisation des flux logistiques de marchandises, fiabilisation de  l'interopérabilité dans les transports en commun, etc.

 

La RSE : un sujet désormais au cœur de la stratégie des entreprises

 

Selon une étude publiée en 2024 par Great Place to Work, 70 % des DRH et 56 % des salariés se sentent concernés par la RSE. Mais seulement 45 % d’entre eux déclarent que la politique éthique de leur entreprise est clairement communiquée.

 

Lorsque l’on interroge les entreprisses réunionnaises sur leur niveau d’engagement en matière de transition écologique et plus globalement sur l’intégration des composantes RSE dans leur stratégie, le constat et les retours sont assez variables selon leurs secteurs d’activité mais également en fonction de leur taille et du contexte concurrentiel dans lequel elles évoluent.

 

Par comparaison avec le national, les problématiques auxquelles se retrouvent confrontées nos entreprises péi sont sensiblement les mêmes, que ce soit à Paris comme en région. La RSE n’est plus uniquement un simple sujet de communication mais devient un vrai pilier stratégique de leur développement.

 

La loi du 22 mai 2019 relative au Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises (PACTE) permet de redéfinir la raison d’être des entreprises et de renforcer la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux liés à leur activité. Dans l'esprit, l'entreprise doit désormais concilier recherche du profit et partage de valeur tout en veillant à s'assurer de l'impact positif de son activité sur ses parties prenantes. Au-delà de l'effet de mode, définir et incarner sincèrement sa raison d'être permet de soutenir une compétitivité indispensable à la durabilité du modèle de l'entreprise.

 

En s’inscrivant dans une dynamique RSE, qui embarque également une stratégie en matière de numérique responsable, les entreprises réunionnaises ont l’opportunité d’intégrer une communauté d’excellence regroupant des acteurs engagés dans une démarche vertueuse d’amélioration continue de leur performance. Elles bénéficient ainsi d’un avantage concurrentiel probant et augmentent leur attractivité vis-à-vis de leurs parties prenantes externes et de leurs futurs talents. Une labélisation RSE et/ou une reconnaissance d’efficience en matière de numérique responsable, peuvent leur donner une légitimité forte en matière d’ancrage territorial, qui devient un critère de plus en plus apprécié par les donneurs d’ordre dans le cadre de leurs appels d’offres publics.

 

L’IA au service de la RSE : des avancées prometteuses

 

Selon une étude publiée par Oracle en 2024 : 53 % des Français considèrent que l’IA parviendrait à de meilleurs résultats en matière de RSE que les humains. Le chiffre monte à 80 % chez les décideurs et dirigeants d’entreprises.

 

Parmi les avancées positives de plus en plus mises en avant, on observe que les outils d’intelligence artificielle peuvent révolutionner la collecte et l’analyse des données dites extra-financières des entreprises en permettant une surveillance en temps réel et une évaluation continue des performances environnementales, sociales et de gouvernance des entreprises (ESG). Un nombre significatif d’entreprises en viennent même à développer leurs propres outils permettant d’automatiser la collecte de données et de préremplir leurs rapports de performance extra-financière, rendant ainsi le processus plus efficace et précis et anticipant les directives européennes en matière de durabilité (CSRD - Corporate Sustainability Reporting Directive).

 

Grâce à l’IA, les entreprises peuvent analyser des ensembles de données massifs pour identifier des tendances, des modèles et des opportunités d’amélioration dans leurs pratiques de RSE, y compris l’analyse de l’empreinte carbone, la surveillance de la chaîne d’approvisionnement et l’évaluation de l’impact social des opérations.

 

Malgré ses avantages, l’IA reste néanmoins ultra gourmande en énergie et en ressources. Lors de la conférence donnée par le Dr Luc Julia à l’occasion de l’événement « KWA L’IA FÉ », semaine de l’IA organisée à La Réunion du 9 au 13 décembre dernier, il indiquait que si toutes les recherches faites aujourd’hui par les internautes dans des moteurs de recherche classiques devenaient du jour au lendemain des prompts ChatGPT, les capacités de production mondiale d’énergie ne seraient pas suffisantes pour absorber et traiter l’ensemble des flux de données.

 

En effet, une requête sur un modèle IA, comme ChatGPT, peut consommer entre dix et cent fois plus d’énergie qu’une recherche Google déjà fortement impactante. La phase d’utilisation des modèles IA, gourmande en énergie, impose également une phase d’apprentissage profond (deep learning) nécessitant une puissance de calcul considérable. Cette puissance est fournie par des serveurs dans des data centers, qui consomment d’énormes quantités d’électricité, notamment pour le stockage des données et le refroidissement des infrastructures.

 

Les défis éthiques de l’intelligence artificielle

 

Au-delà de ces constats sur les impacts environnementaux du numérique, des études récentes démontrent également que les algorithmes qui sont au cœur des systèmes d’intelligence artificielle, et les bases de données dont ils ont besoin pour produire les résultats attendus, peuvent présenter des biais, entraînant des problèmes d'équité dans les décisions automatisées.

 

En effet, les intelligences artificielles au sens large, peuvent reproduire et amplifier des biais présents dans les données utilisées pour leur entraînement. Ces biais se manifestent dans plusieurs domaines, comme le recrutement, la justice ou la reconnaissance faciale, entraînant des discriminations involontaires.

 

D’abord, les biais algorithmiques proviennent de données historiques biaisées, perpétuant des inégalités existantes. Par exemple, une IA de recrutement entraînée sur des CV majoritairement masculins risque de défavoriser les femmes. De plus, les biais de conception surviennent lorsque les équipes développant ces systèmes manquent elles-mêmes de diversité, influençant de manière significative le choix des modèles et les objectifs poursuivis.

 

Ensuite, les biais d’interprétation faussent les décisions prises par les IA ou les décisions qu’elles suggèrent, car elles manquent de contexte et de compréhension humaine. Cela pose des risques dans des domaines sensibles comme la médecine ou la finance.

 

Enfin, ces biais affectent la confiance du public envers l’IA et peuvent aggraver les discriminations sociales si les erreurs ne sont pas corrigées. Pour les limiter, il est essentiel d’utiliser des bases de données diversifiées, d’auditer les modèles et d’impliquer des experts en éthique dans le développement des algorithmes.

 

Et l’humain dans tout ça, quel avenir pour l’emploi et les compétences réelles ?

 

Selon Anaïs Sery, co-fondatrice de l’association Intelligence Artificielle Réunion, « Concevoir une IA éthique et responsable, garante de l’épanouissement et respectueuse des libertés de chacun n’est pas seulement une affaire de technologie mais c’est avant tout une affaire d’humanité ».

 

Dans une étude récente publiée par Great Place to Work, on apprend que 68 % des français utilisent l’IA en entreprise mais le cachent à leur supérieur. En d’autres termes, les enjeux autour des outils d’IA sont déjà au cœur des entreprises. Il suffit de passer quelques minutes sur les moteurs de recherche dédiés à l’emploi pour constater l’explosion d’annonces de recrutement concernant des opportunités qui exigent de disposer des compétences en IA ou en RSE.

 

Dans le même temps, seulement 13 % des salariés se sont vu proposer une formation dans l’une ou l’autre des thématiques au cours des 24 derniers mois. Ce constat montre le grand écart qu’il existe entre les envies du marché et la réalité des entreprises. Une posture de résistance de certains décideurs en responsabilité sur ces sujets au sein des entreprises, illustre la nécessité d’aborder la conduite du changement dans les organisations comme un éléments clé pour la réussite des projets.

 

En effet, les transformations qui font peur au début, qui créé le chaos ensuite, avant d’être définitivement adoptées nécessitent des cycles d’adaptation souvent plus long qu’attendu. Des exemples connus par le passé, comme l’apparition d’internet et des réseaux sociaux dans les entreprises, illustrent ces difficultés et le besoin d’accompagnement pour soutenir ces transitions. Sur un volet plus organisationnel, l’exemple plus récent de la généralisation de la pratique du télétravail montre à quel point changer les habitudes de fonctionnement des entreprises nécessite de poser la question des compétences en termes de savoir-faire d’une part, mais également de savoir être d’autre part. Les modèles de management doivent également être repensés afin d’intégrer durablement ces évolutions technologiques, organisationnelles et humaines.

 

Lors de sa conférence sur l’IA et le rapport au monde de l’entreprise, donnée à l’occasion de l’assemblée générale du Medef Réunion, Grégory Renard, cofondateur et Chief AI Officer chez xBrain, expliquait : « La question n’est pas de savoir si votre job va être remplacé par une IA, la réalité c’est que si vous ne montez pas en compétence sur ces outils, il y a effectivement une forte probabilité pour que vous soyez remplacé à terme par une personne qui aura elle franchi le pas en se dotant de ces nouvelles compétences ».

 

De surcroît, toujours selon le Dr Luc Julia : 36 % des réponses fournies par ChatGPT sont fausses. « Est-ce qu’on accepterait d’avoir dans ses équipes un collaborateur qui se trompe plus d’1/3 du temps dans l’exécution de son poste ? ». Ce raisonnement démontre selon-lui la complémentarité qu’il s’agit désormais de trouver entre le rôle de l’humain dans l’entreprise et la responsabilité déléguée à la machine.

 

L'IA pourra dans certains cas précis entraîner la suppression d’emplois, mais aussi elle pourra aussi être à l’origine de la création de nouveaux métiers. Quoi qu’il en soit, il est essentiel de former les employés aux nouvelles technologies pour qu'ils puissent s'adapter aux évolutions du marché du travail.

 

Effets rebond : vers une utilisation responsable de l’IA

 

L’IA est devenue un pilier essentiel de l’effort mondial visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à promouvoir la durabilité environnementale. Des systèmes d’IA sont intégrés dans des domaines variés tels que la gestion intelligente de l’énergie, les transports durables et la gestion des ressources naturelles. Les gains d’efficacité obtenus grâce à l’IA peuvent néanmoins être contrebalancés par une augmentation des volumes de production de données et la démultiplication des usages. Ce phénomène connu sous le nom d’effet rebond, illustre que les gains d’efficacité obtenus grâce à une innovation technologique telle que l’IA peut dans le même temps entraîner une augmentation de la consommation des ressources plutôt qu’une réduction.

 

Pour que l’utilisation de l’IA soit véritablement responsable, il est essentiel de former et de sensibiliser les utilisateurs et les collaborateurs à ses implications environnementales et éthiques. Cela implique une gouvernance transparente autour du sujet IA dans l’entreprise et une stratégie orientée vers le bien commun, alignée sur des usages précis et utiles à l’entreprise et à son développement.

 

Il est crucial que les entreprises continuent d'innover tout en restant conscientes de leurs responsabilités environnementales et sociales. La convergence du numérique et de l'écologie nécessite une collaboration étroite entre les différents acteurs pour développer des solutions durables et éthiques. Les entreprises qui réussissent à intégrer ces dimensions dans leur stratégie bénéficieront d'un avantage concurrentiel significatif et renforceront leur attractivité auprès des parties prenantes et des futurs talents.

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