D'une simple curiosité, à la volonté d'engagement, désormais, en matière de développement durable, il ne suffit plus de faire bonne impression. D'après le patron du cabinet de conseil Isodom, Yannick Berezaie, rencontré en marge de la présentation du Pacte Mondial de l'ONU le 3 octobre dernier, la RSE ne peut pas être prise à la légère, ne serait-ce que pour rester compétitif dans le monde économique de demain.
(Extrait de l'interview publiée dans "Le Journal des Archipels" octobre-novembre 2023 - dossier spécial RSE - interview réalisée par Lisa MELA).
LM : Les enjeux environnementaux, sont-ils pris au sérieux par les dirigeants qui vous consultent ?
YB : Cela fait 18 ans qu'Isodom est sur le territoire. Dès le début, nous nous sommes réellement intéressés aux sujets de bien-être au travail, de développement durable alors qu'ils n'étaient ni d'actualité, ni à la mode. Et en 18 ans, on a vu nos clients changer. Depuis la Covid, c'est comme si les grandes catastrophes n'étaient plus seulement des concepts. Le réchauffement climatique est devenu beaucoup plus réel. Auparavant, l'environnement était surtout pris sous l'angle de la réglementation. Aujourd'hui, on parle d'engagement citoyen, des rapports du GIEC, de sobriété énergétique et les entreprises se demandent réellement quelle peut être leur part.
LM : Plus précisément, qu'est-ce qui a changé dans leurs ambitions ?
YB : Après la curiosité et l'engagement, est venu s'ajouter un véritable enjeu de performance économique. La sobriété énergétique est devenue une nouvelle opportunité de faire des économies. Et de manière plus subtile, l'humain aussi. La crise covid et la mise en place du télétravail l'a révélé. En gardant un collectif engagé autour d'une vision d'entreprise, il peut y avoir un retour sur investissement. Si l'on est attentif au bien-être au travail, on diminue le turnover et on a moins de chance de passer à côté d'un talent.
LM : Peut-on dire que la RSE conditionne la compétitivité de demain ?
YB : Disons que l'on s'oriente de plus en plus vers une éco-conditionnalité.
Demain, pour avoir accès à un financement bancaire, privé ou public, il faudra répondre à un certain nombre de critères extra-financiers. C'est d'ailleurs déjà le cas pour certaines subventions. La BPI (Banque Publique d'Investissement) exige par exemple que l'entreprise ait fait son bilan carbone.
LM : Les enjeux environnementaux et sociétaux pourraient devenir plus importants que la performance économique ?
YB : Je ne dirais pas ça. Regardez l'exemple de Danone: son patron, très engagé pour un capitalisme responsable, s'est fait rattraper par ses actionnaires, inquiets de la baisse des marges. Je le dis à nos clients, dans un premier temps il ne s'agit pas de changer son modèle économique. En revanche, la performance dite extra-financière va de plus en plus être prise en compte par les financeurs publics et privés. Demain, tout un tas d'indicateurs standardisés vont venir s'ajouter pour mesurer la manière de gérer, l'impact sociétal, l'impact environnemental.
LM : D'après-vous sans le dire officiellement, est-ce déjà le cas, notamment pour décrocher des marchés publics ? Y a-t-il des critères de sélection officieux ?
YB : Officiellement, il y a déjà des contraintes à respecter. Par exemple, une entreprise de plus de 200 salaries doit avoir fait son bilan carbone. De plus, une entreprise qui met en avant des mesures RSE peut présenter des atouts qui la
démarquent de la concurrence. Un acteur économique qui s'engage sur le territoire, pour l'emploi et pour limiter l'impact écologique, a plus de chance de décrocher un marché public. En revanche, je ne parlerais pas de critères officieux. Les enjeux de tarifs et de technicité demeurent primordiaux, d'autant plus quand on parle de marchés européens.
LM : D'après vous, faire du greenwashing ne suffit plus ?
YB : On n'est plus à l'heure du greenwashing. Avec les nouveaux indicateurs, on va pouvoir comparer les entreprises entre elles, et dire concrètement lesquelles sont les plus sincères. Aujourd'hui, on le dit à nos clients, si vous ne mettez en place aucune mesure RSE, vous vous mettez hors-jeu.
(c) Crédit photos : Lisa MELA.
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