La transition énergétique à La Réunion présente plusieurs enjeux clés, en raison notamment de ses caractéristiques géographiques, économiques et sociales qui rendent son modèle unique. Faisant le constat d'une forte dépendance aux importations de combustibles fossiles pour répondre à ses propres besoins énergétiques, La Réunion s'est dotée d'une ambition qui vise à reconstruire son mix énergétique d'ici à 2035. Le potentiel important que peut exploiter l'île en matière d'énergies renouvelables, notamment en énergie solaire, éolienne, hydraulique et biomasse, est essentiel pour atteindre cet objectif et réduire dans le même temps ses émissions de gaz à effet de serre.
(Interview réalisée dans le cadre d'un mémoire de Bachelor sur le sujet de la transition énergétique à La Réunion).
Quel est le rôle d'ISODOM dans la transition énergétique locale à La Réunion ?
ISODOM intervient à plusieurs niveaux sur la thématique de la transition énergétique : Sur le volet de la formation par exemple, en déployant le Programme SEIZE dont la finalité est d’éveiller les consciences des entreprises qui n’avaient pas encore été sensibilisées aux enjeux de sobriété énergétique jusque-là. Ce sont majoritairement des entreprises de moins de 10 salariés. Mais également en étant partenaire de l’ADIR (Association pour le Développement de l’Industrie Réunionnaise) dans le cadre de son programme AssURE afin d’accompagner les industriels de l’île dans la mise en place de leur Système de Management de l’Energie (SMEn), en allant pour ceux qui le souhaitent, jusqu’à la certification ISO 50001.
ISODOM est également partenaire de l’ATEE (Association Technique Énergie Environnement) via son programme de formation PROREFEI dédiée à la transition énergétique dans l’industrie.
Au cours de l'année 2023, ISODOM et le MEDEF Réunion ont été à l'initiative de l'adaptation au contexte local du kit de sobriété énergétique publié par le MEDEF national, afin d’accompagner ses adhérents dans leur plan de réduction de consommation d’énergie.
En matière de transition énergétique, on fait régulièrement le raccourci avec les enjeux de production et de consommation d'électricité, mais ISODOM déploie également ses expertises et son offre de services auprès de ses partenaires et clients dans la réalisation de leur plan de déplacement (PDE) dont la finalité est de réduire et d’optimiser les déplacements quotidiens de leurs collaborateurs et agir ainsi sur le volet de la consommation de carburant.
Enfin, ISODOM prend régulièrement la parole, via des ateliers ou des conférences, pour présenter les différentes solutions à disposition des entreprises en matière de transition énergétique et plus globalement sur la thématique de la RSE.
Quels sont les obstacles à une utilisation des énergies renouvelables à La Réunion ?
En premier lieu, l'île souffre de sa dépendance aux intrants, y compris s'agissant des sources d'énergie renouvelables comme les pellets de bois, la bagasse, les installations photovoltaïques, ou encore les éoliennes.. L’autonomie de La Réunion en matière de production d’énergie reste tributaire de ces intrants. D'autres facteurs comme l’intermittence de la production, le coût de production, la nécessite d'adapter les équipements existants et les coûts d’investissement associés pour les entreprises, sont autant de freins qui ralentissent le plan de transition qu'elles aimeraient engager.
D'autre part, il ne faut pas sous estimer l'impact de la croissance démographique et l’effet rebond associé : de plus en plus de personnes qui vont avoir de plus en plus de besoin. La trajectoire de demande en ressource énergétique va de ce fait fortement augmenter à l’avenir et la capacité du réseau à faire face à cette demande n'est pas encore complètement garantie à ce jour. Ce point va devenir crucial à l’avenir notamment du fait de l’électrification du parc de véhicules.
ISODOM travaille-t-elle avec les acteurs publics qui sont parties prenantes de cette transition énergétique souhaitée de tous ?
Effectivement, ISODOM a par exemple accompagné la Région Réunion dans le cadre de son SRDEII (Schéma Régional de Développement Economique d'Innovation et d'Internationalisation) pour la structuration de la filière EnR et le déploiement du Plan Solaire, qui vise à équiper les particuliers de l'île d’équipements de production et de stockage d’énergie à des fins d’utilisation personnelle.
Les experts ISODOM collaborent régulièrement avec l’Ademe, afin d'orienter les entreprises sur les solutions de financement qui peuvent exister pour soutenir le déploiement de leur plan d’action.
L'état joue également un rôle clé puisque toutes ces initiatives s'inscrivent en déclinaison de la Programmation Pluriannuelle de l'Energie (PPE), qui cadre le sujet de la production et du mix énergétique cible. Certaines solutions alternatives (géothermie, éolien offshore, SWAC ou petits réacteurs modulaires SMR), restent encore dans les cartons ou sont tout juste au stade des études.
Comment ces collaborations s'articulent-t-elles en termes de prise de décision et de priorisation des projets à mettre en œuvre ?
Cela passe essentiellement par un rôle de conseil afin d'éclairer les décideurs en leur proposant un plan de priorisation de leurs actions en fonction des résultats et des impacts escomptés. Etre le plus pragmatique possible et chercher constamment l'efficacité opérationnelle sont les clés pour maintenir une dynamique et un collectif engagé tout au long des projets. Nos experts restent néanmoins dans leur rôle de facilitateurs, la décision revient quoi qu’il arrive au client au bout du compte.
La Réunion a pour objectif de produire de l'électricité uniquement à partir d'énergies renouvelables d'ici 2027, mais en 2022, la part n'était que de 38%. Pensez-vous que cet objectif puisse encore être atteint ? Qu'est-ce qui plaide pour ou contre ?
Certes il ne faut pas minimiser les obstacles que l'île va devoir contourner pour tendre vers cet objectif, mais le fait que l’ensemble des parties prenantes soient concernées et mobilisées autour de cette cause commune, est par expérience un facteur de clé de réussite pour ce type d'ambition. Cette volonté de "jouer groupés" est née en 2009 lors du Grenelle de l’environnement qui localement avait débouché sur la création du projet GERRI-Réunion 2030 (Green Energy Revolution : Réunion Island). Les bases étaient déjà posées à l'époque : faire de La Réunion un modèle en matière de production et de consommation d'énergie à l'horizon 2030. Même si l’agenda a glissé de 5 ans, le volontarisme des acteurs privés et publics reste déterminant dans l’accomplissement de ce plan ambitieux pour le territoire. Un vrai projet sociétal qui est l’affaire de tous.